samedi 30 juillet 2016

26.

La chambre d'hôtel a rétréci quand elle est partie. La musique de ses baisers, le goût de ses lèvres, l'empreinte de son désir, ont saturé l'air de leurs fragrances, tandis que les murs se rapprochaient jusqu'à se rejoindre. Je n'ai dû mon salut qu'à une fenêtre restée ouverte. J'ai donc filé par les toits, le cœur encore tout gonflé d'elle. Je savais que je ne la reverrais pas. C'était le contrat, je l'avais signé en connaissance de cause. Ce que je n'avais pas envisagé, au moment de le signer, c'est que ce serait à ce point difficile. Il ne me restait donc plus qu'à me laisser glisser le long de la première gouttière venue... et si possible, continuer à descendre, jusqu'au fond des égouts. Là, fermer les yeux et plonger. C'était le bon moment pour aller voir si, vraiment, la mer était au bout.

Marc Menu

jeudi 7 juillet 2016

25.

Tu les as comptés toi ?… tous ces « plus jamais » et cette masse de « c’est fini » qui s’amoncellent et s’immiscent impertinents ?… tu sais ce que je vais oser ? Je vais reculer, aussi loin que je pourrai, en courant, à l’envers pour arriver avant le commencement des « il n’y aura pas d’autres fois »… juste avant que les « trop tard » me pourrissent un jour la vie jusque dans un trou sous les racines d’un arbre. Moi je les ai comptés, tous autant qu’ils sont, et je ne sais même pas comment dire le chiffre que j’ai compté… la liste est à pleurer, elle n’en finira jamais de continuer. J’irai tout droit en arrière, jusqu’à ce que je retrouve les « pour toujours » et les « encore » et je me ferai couper la tête par un bourreau de grand chemin, qui offre son coup de hache contre une tendresse au fond de bras au fond d’un lit au fond d'une nuit. Je me ferai couper la tête juste avant que ne commence la fin du désir, juste pour le garder vivant… parce qu’une fois décapitée, je ne pourrai plus le voir s’étioler…
Et s’il te plaît, fais-moi encore l’amour avant que je perde la tête.


Jane Véronique

mardi 5 juillet 2016

24.

Dans la seconde moitié du 21è siècle, la peine de mort connut un regain de popularité. Les exécutions revinrent à la mode, générant des centaines d'emplois, et les bourreaux rivalisèrent d'imagination et de créativité pour en faire de bien jolis spectacles. Bientôt, le succès fut tel que l'on manqua de condamnés. On eut alors recours aux pauvres et aux immigrés, que l'on exécuta en échange d'une année - leur dernière en l'occurrence - de vie de château. La formule fut tellement appréciée qu'il fallut engager des bourreaux supplémentaires. C'est ainsi que ma maîtresse reprit du service. Je ne pouvais pas faire moins que d'assister à sa première exécution... son allure, sa cruauté me fascinèrent, tant et si bien que nous fîmes l'amour cet après-midi-là - les exécutions avaient lieu le dimanche midi, au sortir de la messe - comme jamais nous ne l'avions fait auparavant. Sur l'oreiller, elle me confia que pour y mettre tout son cœur, elle s'était imaginée exécutant ma femme. C'est à cet instant précis que l'idée germa.

Marc Menu